Elle aurait voulu être un peu moins fleur bleu, un peu moins romantique. Elle aurait voulu ne pas tomber amoureuse à chaque coin de rue. Elle voudrait une relation sérieuse, mais elle ne cesse de fuir. Elle n’a aucune ambition et elle en a conscience : la seule chose qui pourrait la sauver serait un mariage avantageux. Pourtant elle voudrait continuer seule, car elle aime être seule. Et pourtant, elle s’imagine une vie à deux dans sa caravane, vagabondant dans tout le pays au gré de leurs envies. C’est une mordue de littérature, qu’importe le genre et contre toute attente, elle préfère les histoires d’époque plutôt que ces comédies romantiques modernes. Ayane est pleine de contradiction et de je veux, mais pourtant elle ne fais rien pour obtenir les choses. Au contraire, elle sacrifie tout pour les autres, préférant regarder le monde par la fenêtre de sa caravane.
C’est une rêveuse qui ne parle jamais d’elle et au boulot, lorsqu’elle récure les toilettes, elle ne se sent pas humiliée. Elle s’imagine alors faire un travail noble, comme-ci nettoyer ces endroits insalubres aller rendre la vie meilleure aux employés. Elle aime transformer la réalité pour la rendre supportable : ainsi on peut vivre sans souffrir. Elle change les choses comme elle en a envie, elle vie dans une autre réalité et cela lui convient. Elle n’a pas envie de redescendre sur Terre, même si on la force. C’est avec des yeux compatissants et un sourire poli qu’elle vous répondra qu’elle n’est pas disposée à vous rejoindre.
Elle n’aime pas la violence, elle n’aime pas le mélodrame et pourtant elle en a vécu un. Malgré tout elle a toujours était comme ça : elle sourit, elle ne pense pas sa vie meilleure, mais elle doit garder ces souffrances pour elle. Une femme japonaise doit être réservée, polie, discrète et distinguée. Ce sont des objectifs qu’elle s’est fixée. Pourtant elle n’aime pas les robes et les jupes, elle préfère un bon jean inusable avec une paire de basket et un t-shirt ACDC. Dans sa caravane, elle aime écouter la musique occidentale. Elle s’est d’ailleurs un jour offert des vinyles avec un lecteur. Elle en prend soin, il lui a coûté un mois de paye, elle ne serait plus capable de s’en repayer un ! Ayane est soignée, elle prend le temps de ranger les choses, de s’organiser : si ça vie se veut aléatoire et au grès de ses envies, elle organise les choses en dehors. Elle laisse le hasard s’occuper de son destin, mais lui donner un coup de pouce ne fait jamais de mal.
C’est une femme têtue qui ne regrette pas sa condition et qui contrairement à tous ces salarimans, se sent libre de vivre sa vie comme elle l’entend. Pour ce n’est pas du temps perdu. Bien sûr elle ne roule pas sur l’or, bien sûr elle ne s’offre que peu de plaisir, mais malgré tout elle a cette impression de liberté que peu peuvent se vanter d’avoir. Sa naïveté peut la rendre attachante, mais ne lui en dites rien, elle est terriblement susceptible. Bien sûr elle ne se fâchera pas, elle ne fera pas de scène, elle tâchera simplement de vous renvoyer poliment, amicalement. Avec cet air et cet façon typiquement japonaise : on ne veut pas froisser l’autre, mais on le congédie car nous avons des affaires qui requièrent notre attention.

En conclusion, c’est une femme qui rêve et pourtant qui est terriblement sérieuse dans ce qu’elle entreprend. Elle n’est pas bavarde, elle préfère vous écouter, vous regarder et suivre le cours de votre vie à distance. Ayane semble sociale, mais est en réalité une grande solitaire qui préférera une compagnie silencieuse au clair de lune, plutôt que dans une discothèque bruyante.

Elle était née deuxième de la famille, après un garçon qui se montrait fort intelligent. Ils n’avaient que deux ans d’écart et pourtant tous les opposaient. Ayane ne s’était jamais sentie proche de ce frère trop studieux qui la regardait toujours de haut avec ce mépris et ce dégout qui le caractérisait tant à ses yeux. Elle n’était pas une élève modèle, ni médiocre, elle se contentait de la moyenne. Quand on lui demandait ce qu’elle voulait faire plus tard, elle se contentait d’hausser les épaules : elle ne pensait pas à son avenir, elle commençait déjà à rêver d’un autre monde.
À la fin du lycée, on ne sait par quel miracle, elle réussit à obtenir un poste dans une entreprise d’import/export. Sa famille était heureuse, ils pensaient qu’elle allait enfin être utile à la société. Mais il ne fallait pas placer trop d’attente sur elle : tout ce qu’elle faisait été de servir le café et réaliser les photocopies. Elle était d’ailleurs passer maître dans l’art de la maîtrise de le reprographie assistée par machine. Parfois on lui offrait une possibilité de montrer son potentiel en lui confiant la vérification des reçus de voyage d’affaire. Dans ces moments-là, elle se sentait investit d’une mission ô combien importante ! Alors qu’elle était simplement ridicule et insignifiante, mais obligatoire au sein du service comptabilité pour réaliser le remboursement des employés.
Si la plus part du temps elle s’ennuyait, elle avait trouvé une distraction dans l’homme du septième étage : monsieur Saitô. Elle avait eu un véritable coup de foudre pour lui, mais elle savait pertinemment qu’il ignorait son existence. Blessée par l’annonce de son mariage avec une collègue de bureau, elle donna sa démission après leur cérémonie de mariage, prenant bien sûr tous les tords sur elle. Peu de temps après, elle utilisa toutes ses économes et s’offrit une caravane. Ses parents la prirent pour folle, ils n’y avaient plus rien à faire selon eux elle avait perdu la tête. Son frère lui n’en pensa pas plus : il ne l’avait jamais considéré. C’est ainsi qu’elle quitta sa famille sans adieu larmoyant.
Personne était au courant de cette lamentable et honteuse relation à sens unique. Fort heureusement pour elle, ainsi elle put quitter sa ville la tête haute. Sur la route elle songea a cet amour, fermant pendant un temps son coeur, mais il lui en fallut peu pour retomber à nouveau amoureuse. Sa vie était à présent faite au gré de ses envies, voyageant à travers le Japon dans cette vielle caravane, vivant de petite jobs qui l’aidaient à payer ses besoins et ceux du véhicule. Elle restait parfois quelques semaines, parfois quelques mois voir une ou deux années, mais ce n’était jamais définitif : elle reprenait toujours la route.
Puis un jour alors qu’elle remontait vers le nord, elle tomba sur cette ville : Rakuen. Elle s’y arrêta quelques semaines, reprenant sa route vers le nord, mais plus elle s’en éloignait, plus elle avait envie d’y retourner. Elle avait un charme bruyant que n’avait pas la campagne, mais était si différente de la capitale à ses yeux. Finalement, elle fit demi-tour et y retourna, cette fois-ci dans l’idée d’y rester un certain temps. Peut-être quelques années : elle l’avait déjà fait dans d’autres villes. Malheureusement pour elle, ou heureusement, son moteur la lâcha une fois arrivée. Était-ce le destin qui voulait qu’elle reste ici ? Quoi qu’il en soit, elle n’avait pas l’argent pour le réparer, il lui faudrait donc économiser un certain temps avant de songer à reprendre la route.
Deux années passèrent ainsi et si doucement ses économies prenaient forment, elle était encore loin du compte. Parfois la vie à la campagne et le vagabondage sur les routes lui manquaient, mais elle aimait être ici, alors Ayane se disait que ce n’était pas mauvais de se retrouver coincer dans cette ville.
Depuis son départ de sa ville natale, c’était la première fois qu’elle se retrouvait « coincé » quelques parts, ayant presque l’impression de prendre racine. Ainsi, même si elle appréciait cette endroit, elle s’appliqua à renforcer cet esprit rêveur et offrit une plus grande porte à cet univers qu’elle s’était crée pour ne plus souffrir. C’était son nouveau moyen à elle de vagabonder.